Six tableaux de forme octogonale, de taille identique, peintures à l’huile sur toile, mesurant 91x78 cm, avec un cadre en bois mouluré, soigneusement peints, proviennent de l’ancienne Faculté de Pont-à-Mousson dont ils ornaient la salle des actes. Ils sont donc tous antérieurs à 1768, année au cours de laquelle la Faculté fut transférée de Pont-à-Mousson à Nancy.
Si la présence de portraits n’a rien de particulier dans une salle des actes, cette collection a pour originalité de présenter côte à côte des personnages à la fois historiques (Galien, Hippocrate, Schröder), légendaires (Hermès-Trismégiste) et religieux (Saint Côme et Saint Damien).
Anonymes : Saint Côme et Saint Damien
Musée de la Faculté de médecine
Qui sont Saint Côme et
Saint Damien ?
Frères jumeaux d’origine arabe et issus d’une famille noble et chrétienne, Côme et Damien sont nés au IIIème siècle à Egée en Asie Mineure actuelle. Fort habiles dans l’art médical, ils parcourent les villes et bourgades, guérissent les malades au nom du Christ. Ils exercent leur art gratuitement et deviennent ainsi les Anargyres, « ceux qui repoussent l’argent ».
Battant en brèche l’autorité du proconsul Lysias, juge en la ville d’Egée, ils subissent le martyre dont les différents épisodes sont purement légendaires : ils sont jetés enchaînés dans la mer, mais un ange rompt leurs liens et les ramène au rivage. Lysias les fait attacher à un poteau et ordonne de les brûler vifs, mais les flammes se retournent contre les bourreaux. On tente de les lapider et de les percer de flèches, mais les flèches et les pierres refusent de les frapper. De guerre lasse, Lysias les fait décapiter avec leurs trois autres frères vers l’an 287. Les restes des martyrs furent enterrés à Cyr et transportés plus tard en la basilique Saint Côme et Saint Damien de Rome. Ces saints ont été très honorés à Rome, à Byzance et en Orient.
L’empereur Justinien (527-565) guéri par l’intercession des deux saints, orne leur église à Constantinople qui devient un lieu de pèlerinage. Le pape Symmaque (498-514) leur dédie un oratoire, et Félix V (526-530) une basilique au Forum. Le culte est ensuite diffusé en Europe à partir de la légende dorée de Jacques de Voragine qui rapporte la greffe miraculeuse d’une jambe empruntée à un Ethiopien défunt au profit du sacristain de l’église Saint Côme et Saint Damien à Rome. Ce dernier atteint de gangrène gazeuse fut guéri et se retrouva donc avec une jambe noire, l’autre blanche.
Au XIIème siècle, lors des croisades, des reliques des deux saints sont offertes au seigneur de Luzarches qui les partage entre Luzarches et Paris. Les chirurgiens, dont la corporation est l’une des plus anciennes de France, choisissent alors pour saints patrons Côme et Damien et prennent comme principal engagement de consulter gratuitement les pauvres, le premier lundi de chaque mois, respectant ainsi les qualités d’anargyres des deux saints.
Des saints bien ancrés en
Lorraine
Si le culte de Saint Côme et Saint Damien se répand très tôt dans le monde dès le Vème siècle, il se développe également dans l’Est de la France. De nombreux lieux de culte sont ainsi dressés en leur mémoire dans notre région. L’église de Vézelise par exemple (1520), dédiée aux deux saints, a contribué par son important sanctuaire à faire connaître les saints médecins et à diffuser leur culte en Lorraine.
Plusieurs figurations de Côme et Damien existent dans l’église d’Alaincourt-la-Côte en Moselle. L’église de Benestroff, également en Moselle, compte elle aussi deux très belles statues anciennes.
Il n’est donc pas étonnant que la Faculté de Pont-à-Mousson dédie son petit sceau aux deux saints. Il faut savoir que seules deux Facultés ont choisi Côme et Damien parmi leurs Saints patrons : Pont-à-Mousson et Poitiers.
La représentation de Saint Côme et Saint Damien dans notre musée et ses
particularités
Populaires, les saints anargyres Côme et Damien ont été fréquemment représentés depuis l’Antiquité. Patrons des chirurgiens, ils apparaissent dans les images de confrérie, sur les sceaux et les jetons. Puissants protecteurs, ils attirent de nombreux dévots, dont certains riches et célèbres comme les Médicis. Côme l’Ancien (1389-1464) eut pour son saint patron une grande dévotion et finança les travaux de Fra Angelico, auteur de remarquables toiles illustrant plusieurs épisodes de leur légende : La guérison du diacre Justinien, l’enterrement de Côme et Damien avec leurs frères (Musée San Marco à Florence).
L’iconographie des saints a retenu l’attention des historiens parce qu’on les a représentés comme des médecins de la fin du Moyen Age ou de l’époque baroque. Ils portent habituellement les vêtements amples et le haut chapeau que les médecins portaient pour affirmer leur dignité. Leurs attributs sont : la trousse, la lancette pour les saignées, la pince, la spatule, le mortier et son pilon, le pot d’onguent, l’urinal, et tant pour s’instruire que pour rédiger l’ordonnance, plume et encre, rouleau et livre.
Les particularités des deux tableaux octogonaux de la Faculté
De manière classique, les deux saints portent le costume des professeurs de médecine de la fin du XVIème siècle : la longue robe rouge, le collet blanc, le chapeau haut.
Comme pour tous les autres tableaux octogonaux, les noms sont peints en lettres capitales rouges. Au-dessus de leurs visages identiques, puisqu’ils sont jumeaux, on devine deux fines auréoles. Leurs attributs sont eux aussi classiques et choisis parmi des instruments évoquant médecine et chirurgie : la spatule et la boîte d’onguents pour Saint Côme, le pot de panacée, remède universel contre tous les maux pour Saint Damien. Saint Côme et Saint Damien ont été représentés ici pour leur authentique qualité de médecins. On ne note aucun caractère qui soit lié à leur stature de saints et de martyrs.
Ils sont considérés comme de véritables saints médecins, et non comme des saints guérisseurs.