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LA SOCIETE DE SANTE DE NANCY (1796-1806)

 

Georges GRIGNON et Sandra GIURIATO

 

Lorsque la Révolution française éclate, il existe à Nancy trois établissements d’enseignement médical : la Faculté de Médecine, initialement située, dès 1598, à Pont-à- Mousson et transférée vers la capitale lorraine en 1768 ; le Collège Royal de Médecine créé en 1752 avec l’appui du duc-roi Stanislas et le Collège Royal des maîtres en chirurgie installé à Nancy par Louis XV en 1771.

Ces trois institutions vont connaître dès 1789 une entrave croissante à leur activité. Toute forme de privilège, y compris celle du savoir, en l’occurrence médical, doit disparaître. Le 8

août 1793, le lorrain abbé Grégoire va jusqu’à faire signer la suppression sur toute la surface de la République, des Académies, Collèges et Facultés. De funestes conséquences s’ensuivent : la Lorraine est abandonnée aux mains des charlatans méprisant toute règle de santé élémentaire.

Cette situation inquiète les authentiques médecins nancéiens. Quelques-uns tentent, d’abord isolément, de maintenir un enseignement de la Médecine. Mais le 19 janvier 1796, c’est tout un groupe qui profite d’une brèche légale laissée par la Constitution de 1795, pour créer un nouvel établissement d’instruction : la Société de Santé de la commune de Nancy.

Les médecins, chirurgiens et pharmaciens qui la composent sont pour la plupart lorrains d’origine et étaient membres des trois anciens Collèges et Faculté. Ensemble, ils s’attellent rapidement à de multiples actions.

La première réside dans la restructuration de l’instruction médicale. Il est urgent de former de jeunes médecins. Pour cela la Société de Santé propose des cours dont le programme annuel est diffusé via l’Almanach du Citoyen. Après trois ans d’études, elle délivre un certificat attestant les capacités des jeunes médecins alors appelés officiers de santé. Elle assure également la formation des sages-femmes de la région afin d’endiguer la mortalité périnatale.

La deuxième action s’inscrit dans la continuité du Collège Royal de Médecine. La Société de Santé offre aux indigents des consultations gratuites, grâce à une permanence de soins tenue une fois chaque semaine, dans ses bâtiments situés sur l’actuelle place Stanislas.

Dans le même ordre d’idée, elle participe à de multiples programmes de santé publique, en publiant des conseils de prévention vis-à-vis de la salubrité de l’air, de la tuberculose, des insectes et de leurs dégâts…

Mais en matière de santé publique, cette fameuse Société de Santé s’illustre surtout dans la campagne de généralisation de la vaccination jennérienne. Elle organise avant de vacciner la population lorraine, un vaste essai thérapeutique afin de s’assurer de l’efficacité et de l’innocuité de la méthode. Ses conclusions étant en faveur de la vaccine, elle diffuse, en Lorraine, cette vaccination contre la variole et sert également d’observatoire régional de cette maladie, en entretenant une correspondance avec le Comité central de la vaccine de Paris.

La Société de Santé correspond par ailleurs avec de multiples médecins français ou étrangers, échangeant volontiers des avis sur tout sujet à caractère médical. Son point de vue est fréquemment sollicité, notamment en matière de surveillance de la pratique de la médecine et de la pharmacie. En 1802, un des membres de cette Société émet un rapport scientifique qui va déclencher une affaire médico-judiciaire. Cela concerne un remède dermatologique contre les gales : la quintessence anti-psorique ou Eau de Mettemberg, du nom de son inventeur. Cette affaire dépassera le cadre de notre société puisqu’elle se soldera, après trente ans de procès, par le retrait du remède de toutes les officines françaises.

Malgré toutes ces réalisations qui sont pour une bonne partie en continuité avec celles mises en place par le Collège Royal de Médecine, la Société de Santé ne peut faire face à divers écueils qui la conduisent à une disparition progressive au bout d’une dizaine d’années d’existence.

Elle reste malgré tout un temps fort dans la vie médicale nancéienne, réalisant un maintien de son activité scientifique entre les institutions antérieures à la Révolution et celles qui deviendront par la suite l’actuelle Faculté de Médecine.