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REFLEXIONS A PROPOS DE l’ENSEIGNEMENT DE l’HISTOIRE DE LA MEDECINE

RELATION D’UNE EXPERIENCE VECUE

 

Claude PERRIN

 

La question de la place que doivent tenir la culture générale et plus précisément l’Histoire de la Médecine dans le cursus des études médicales revient rituellement sur le tapis : elle a fait l’objet de diverses solutions qui n’ont donné qu’une satisfaction mitigée. C’est une question d’autant plus préoccupante que les étudiants qui se présentent à l’entrée de la Faculté sont de moins en moins aptes à recevoir cet enseignement par déficit de l’enseignement secondaire à cet égard. Dans un essai particulièrement documenté : “Nos enfants gâchés”, Natacha Polony a montré la gravité d’une situation qui instaure une véritable fracture générationnelle.

J’ai prodigué l’enseignement de l’Histoire de la Médecine en PCEM 1, dès son instauration dans les années 90, dans le cadre de l’enseignement de la culture générale avec cotation obligatoire et éliminatoire. J’ai poursuivi cet enseignement bien au-delà de ma mise à la retraite, jusqu’en 2001. J’avais participé à la répartition des cours entre les collègues intéressés par ce type d’enseignement, tout en connaissant la vanité de concentrer cet enseignement sur les quelques heures mises à notre disposition, ce qui impliquait l’impossibilité de répondre aux exigences académiques définissant un cadre séparant les objectifs qui sont : les Idées, les Techniques et les Hommes.

Disposant moi-même de deux heures, je les ai affectées à des sujets permettant de “déborder” leur thème en faisant une large place à l’impact des idées sur les mentalités et les croyances du moment. Autrement dit, je ne m’en suis pas tenu à des biographies émaillées d’anecdotes.

Les thèmes choisis ont été les suivants :

- Panorama général de l’Histoire de la Médecine.

- Histoire de la trachéotomie et de l’intubation trachéale, soit, en réalité une perspective sur la compréhension de la dyspnée laryngée, syndrome qui a vraisemblablement été parmi les plus évidents au cours de l’Histoire.

Dès l’abord, deux questions se sont fait jour : celle de la compréhension du vocabulaire médical par des étudiants frais émoulus de l’enseignement secondaire, et celle de ce qui pouvait ou non constituer une question de cours, obsession des auditeurs les rendant imperméables

à toute digression, tout retour sur le passé, toute réflexion ne ressortant pas de ce cadre et provoquant des réactions houleuses. Un aspect particulièrement éloquent est la question des dates : il est impensable d’envisager ce type d’enseignement sans mentionner les dates, surtout avec un auditoire dont les repères historiques ne sont pas le fort (pas plus d’ailleurs que le vocabulaire courant). Mais ce fut une crainte mainte fois exprimée de se voir demander “les dates“ des faits exposés !

J’ai pu remédier à ces deux obstacles en précisant que les dates seraient données mais non demandées, la connaissance des époques considérées étant seule requise (!!!) et, d’autre part, en présentant le canevas du cours avec des rétro-projections que je ne dévoilais qu’en fin d’exposé par tranches successives, la hâte de les recopier étouffant toute attention à l’écoute du cours. Car, une évidence s’impose : un étudiant de première année ne sait pas encore “prendre” un cours. Il n’aspire en réalité qu’à disposer d’un “poly” qu’il apprendra par coeur pour le dégurgiter à l’examen ! Or, en théorie, ce type d’enseignement n’était-il pas initialement destiné à “faire réfléchir” et à comprendre comment on en est arrivé à chercher à appréhender plutôt le “comment ” que le “pourquoi” des choses ?

Présenter ce type d’enseignement à des amphithéâtres surchargés, initialement en deux enseignements successifs qu’il fallait absolument rendre identiques, ou ensuite en simultané (l’orateur n’étant évidemment présent que dans une seule salle) relève de la gageure et de la candide inconscience. Les trois-quarts de l’auditoire étant inaptes ou imperméables à recevoir cet enseignement et ne pensant qu’à perturber le cours pour gêner l’écoute du quart restant. Ce qui ne reflète qu’un des aspects de la totale ineptie d’un concours d’“entrée” en fin de première année !

Il y eut quand même des instants délicieux d’écoute attentive où le message me semblait passer. Il y eut également, en fin de cours, de petits groupes d’étudiants qui se déclaraient intéressés,voire passionnés par ce type d’enseignement et venaient poser des questions comme c’est le cas habituel pour les enseignements traditionnels, ce qui fut pour moi d’un réconfort certain.

La correction des épreuves d’examen à laquelle j’ai régulièrement participé a pu confirmer que le message était bien passé… chez un petit noyau, sans doute préparé à le recevoir, ce qui prouve néanmoins qu’il était intelligible…

Cette expérience suscite de ma part les réflexions suivantes :

Cet enseignement ne peut avoir la portée désirée que chez des étudiants motivés et suffisamment mûrs, ayant donc déjà accompli une large part de leur cursus médical. Pas avant le DCEM 3 selon la terminologie actuelle. Il ne me paraît devoir être prodigué que sur la base du volontariat reposant sur un appétit de connaissances né au cours du cursus. Il s’agirait donc bien d’un enseignement optionnel qui pourrait se poursuivre lors de l’enseignement postuniversitaire (une enquête auprès des intéressés pourrait en déterminer la pertinence).

Une large part à la discussion et aux questions devrait être prévue à la fin des cours. Les exemples commentés du passé peuvent être un moyen d’éviter les erreurs du futur. De façon plus générale, l’ignorance du passé prépare à l’incapacité d’appréhender le présent et a fortiori de le gérer.

Ces cours devraient-ils faire l’objet d’un contrôle, voire de l’octroi d’un diplôme ? La question serait à débattre.

Pour conclure, je rappellerai qu’on ne connaît bien une science que si on en connaît l’histoire, et qu’on a pu dire de l’Histoire de la Médecine qu’elle en était l’embryologie.

Cet enseignement a suscité la parution de petits ouvrages didactiques.

Dès 1992, sous la direction prestigieuse du Professeur Guy Lazorthes a été publié chez Masson, sous le titre “ L’Homme, la Médecine et le Médecin ” à la rubrique “Module de Culture générale PCEM”, un petit ouvrage faisant partie de la collection des abrégés. La trame de la rédaction en est l’Histoire de la Médecine proprement dite.

En 1998, un opuscule dû à la plume du Professeur Jacques Gonzales était édité aux Heures de France sous le titre “Initiation à l’Histoire de la Médecine”.